Actualite_jurisprudence

Evolution du périmètre et portée des dépenses de recherche externalisées

Ces derniers mois, les instances de vérification du Crédit d’Impôt Recherche (CIR) ont fait évoluer notablement la jurisprudence sur le périmètre de ses dépenses externalisées, mais également sur leur portée vis-à-vis de la doctrine. En premier lieu, le Conseil d’État (CE, 9ème – 10ème chambres réunies, 22/07/2020, 428127) a clarifié les conditions d’éligibilité des opérations externalisées vu comme des « opérations de même nature » par le Code Général des Impôts, repris par le BOI afférent en tant que « véritables opérations de recherche et de développement, nettement individualisées », puis interprétées par le Ministère mandaté à la Recherche comme suit : « une prestation sous-traitée qui n’est pas de la R&D n’est pas éligible au CIR même si elle est indispensable à la réalisation du projet » (Guide CIR 2019). Ce point de vue a été jugé comme trop rigoriste et la juridiction de dernier ressort en a pris le contre-pied : « les dépenses correspondantes peuvent être prises en compte … quand bien même les prestations sous-traitées, prises isolément, ne constitueraient pas des opérations de recherche ».

En deuxième lieu, la Cour d’appel de Nancy (CAA de NANCY, 2ème chambre, 23/07/2020, 19NC00636) a décidé d’annuler la décision du Tribunal Administratif de Nancy de rejeter les dépenses de sous-traitance de l’appelant, qui avait confié à un organisme de recherche agréé des opérations de R&D. L’organisme agréé avait lui-même confié une partie de ces travaux à d’autres sous-traitants non agréés dont il a gardé la responsabilité scientifique et contractuelle. Dès lors que l’administration fiscale n’a critiqué ni la réalité, ni l’éligibilité de ces dépenses, mais seulement le principe de la sous-traitance en cascade, c’est à juste titre que le déclarant, qui a vu les sommes engagées en premier lieu écartées, réintégrées dans la base de calcul de son crédit d’impôt recherche.

Enfin, le Conseil d’Etat (CE, 8ème – 3ème chambres réunies, 09/09/2020, 440523) a décidé, dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir, d’annuler la section 220 (et son exemple) du bulletin officiel des finances publiques impôts sous la référence BOI-BIC-RICI-10-10-20-30, l’administration avait, de manière erronée, surajouté à la loi, l’obligation, pour les sous-traitants agréés, de déduire de leur assiette les sommes facturées à des donneurs d’ordre. En revanche, les dépenses exposées par le sous-traitant agréé, pour la réalisation d’opérations de recherche éligibles, ouvrant déjà droit au bénéfice du CIR pour son donneur d’ordre, ne peuvent être incluses dans sa propre assiette.

Suite à ces derniers arrêts, et dans un contexte qui se veut de plus en plus sécurisé pour les déclarants, le projet de loi de finances 2021 voté solennellement à l’Assemblée Nationale le 18/11/2020, a surpris en décidant de supprimer le doublement des dépenses confiées à des organismes de recherche publics, à partir de l’exercice fiscal 2022. Ce qui peut représenter des sommes importantes pour les sociétés ayant privilégié ce type de collaboration. On peut supposer que cette initiative aura des conséquences sur les partenariats publics-privés qui se sont largement développés ces dernières années notamment grâce aux avantages fiscaux liés au CIR.